IMC : Un Indice Trompeur ? Histoire, Formule, Alternatives et Vision Critique

L’indice de masse corporelle (IMC) est partout. Il s’affiche chez le médecin, se retrouve dans les manuels scolaires, et sert encore aujourd’hui de référence mondiale pour évaluer le poids et les risques de santé. Mais d’où vient-il ? Est-il réellement fiable ? Cet article plonge dans l’histoire des penseurs à l’origine de l’IMC, explique sa formule, compare ses limites à celles du tour de taille, décrypte la position de l’OMS, et propose une vision critique adaptée à la pratique des coachs débutants comme des experts en nutrition et en entraînement.
Louis Israel Dublin, Ancel Keys et Adolphe Quetelet : Trois Noms, Une Histoire du Poids
Pour le coach qui débute, connaître les racines historiques d’un outil aussi répandu que l’IMC permet d’en comprendre les limites. Et cela commence par trois figures clés. Louis Israel Dublin était statisticien dans les années 1940 chez Metropolitan Life, une compagnie d’assurance américaine. Son objectif ? Croiser les données de poids avec les taux de mortalité pour ajuster les primes des assurés. Ensuite vient Ancel Keys, physiologiste américain, qui impose en 1972 l’usage de l’IMC en recherche épidémiologique. Enfin, Adolphe Quetelet, mathématicien belge du XIXe siècle, invente la fameuse formule, mais dans un but statistique, pas médical.
Pour les professionnels, ces trois hommes incarnent des angles bien différents : Dublin travaillait dans un contexte actuariel, avec un échantillon urbain et caucasien, biaisé par définition. Keys cherchait un indicateur rapide pour des études de masse, sans prétention clinique. Quant à Quetelet, il visait une norme sociale descriptive. Comprendre cela, c’est éviter d’accorder à l’IMC un statut qu’il n’a jamais eu. C’est aussi rappeler qu’il est urgent d’intégrer des paramètres modernes comme la génétique, la pharmacologie ou la sédentarité à nos analyses.
La Formule de l’IMC : Simplicité ou Simplisme ?
L’IMC est souvent l’un des premiers chiffres qu’on rencontre en santé : poids (kg) divisé par taille au carré (m²). Par exemple : 85(Kg) ÷ 1,75(m)² = 27,8. Entre 25 et 29,9, on parle de surpoids selon l’OMS. Facile à calculer, facile à classer… mais aussi facile à mal interpréter. Ce chiffre ne connaît ni vos muscles, ni vos os, ni votre métabolisme. Il offre une vision globale, mais sûrement pas une image fidèle de votre composition corporelle.

Pour les coachs expérimentés, l’IMC est un indice de densité corporelle avec une corrélation modérée (R² ≃ 0,7)1 avec la masse grasse, mais une erreur de ±4 % sur son estimation. Il surestime l’adiposité chez les sportifs et la sous-estime chez les personnes âgées. L’EASO2 recommande désormais d’associer l’IMC à des données de composition corporelle (BIA3, DEXA4, plis cutanés) avant tout plan. Chez les pros, l’IMC devient un seuil d’alerte, non une vérité médicale.
Tour de Taille : Ce que Votre Ventre Dit Vraiment de Vous
Le mètre ruban est un allié précieux. Un tour de taille de plus de 94 cm chez les hommes ou 80 cm chez les femmes indique un risque cardiovasculaire. Au-delà de 102 cm (hommes) et 88 cm (femmes), l’alerte est sérieuse : la graisse viscérale augmente. Ce type de graisse, invisible à l’œil nu, entoure les organes internes et favorise le diabète, l’hypertension, la stéatose hépatique. Facile à mesurer, peu coûteux, ce test complète l’IMC et aide à voir ce que la balance ne montre pas.
Chaque centimètre supplémentaire au-dessus du seuil augmente le risque métabolique de 2 %. Le rapport taille-hanches est parfois plus précis chez certaines ethnies, mais moins reproductible. Selon une méta-analyse de 2008, le tour de taille prédit mieux le diabète de type 2 que l’IMC (AUC5 jusqu’à 0,78). Dans une démarche de suivi, cette mesure peut précéder la perte de poids visible. Pour un coaching précis, elle se combine idéalement avec un marqueur comme la CRP-us6, surtout en lien avec le corps médical.

L’OMS et l’IMC : Un Standard Pratique mais Controversé
Pour un coach débutant, l’IMC est souvent perçu comme un repère universel. Et ce n’est pas un hasard : l’OMS continue de l’utiliser pour classer les individus en cinq catégories (de l’insuffisance pondérale à l’obésité sévère). Pourquoi ? Parce que la formule est simple, gratuite, et permet des comparaisons entre pays. Mais attention, ce n’est qu’un point de départ. L’OMS elle-même insiste sur l’importance d’interpréter ce chiffre avec d’autres données.
Pour les experts, les rapports techniques de l’OMS (2000, 2008) pointent les limites de l’IMC chez les Asiatiques, les Polynésiens et les sujets âgés, avec des seuils ajustés selon les régions. Depuis 2022, les lignes directrices OMS/FAO7 recommandent d’associer l’IMC au tour de taille dans les dépistages. L’IMC reste utile en recherche (études GBD8) mais pourrait être remplacé si un meilleur indicateur se démocratise. Les coachs qui collaborent avec des institutions ont donc tout intérêt à suivre ces lignes tout en expliquant leurs limites.
Conclusion Critique : L’IMC, Outil Global mais Pas Verdict Personnel
L’IMC est utile à grande échelle. Il permet de voir une tendance : plus la moyenne nationale dépasse 25, plus les maladies métaboliques progressent. Mais à l’échelle individuelle, il peut mentir. Un bodybuilder musclé, une femme enceinte, ou un senior fragile n’ont rien à voir, mais leur IMC pourrait être identique.
Pour les coachs avancés, l’IMC est un point d’entrée dans une logique multilayer : génétique, microbiote, phénotype et environnement sont à intégrer. Les recommandations 2023 de l’EASO évoquent un continuum d’adiposité, non un seuil binaire. La prise en charge doit combiner IMC, tour de taille, distribution des graisses (DEXA ou échographie) et score de risque cardio-métabolique. Cela permet d’éviter la surmédicalisation ou les faux diagnostics9. Un bon praticien vulgarise sans simplifier, et adapte sans trahir la rigueur.
Rédigé par Ludovic Peene, créateur de DietHelper, formateur & coach depuis 2009.
Lexique – Pour mieux comprendre les termes pros
- Indicateur statistique → Quand il est proche de 1, cela veut dire que la formule est très fiable. Ici, l’IMC a un R² de 0,7 avec la masse grasse = donc « moyennement fiable ». ↩︎
- European Association for the Study of Obesity → Association Européenne pour l’Étude de l’Obésité. ↩︎
- BIA (Bio-impédance multi‑fréquence) → Balance spéciale qui envoie un courant électrique faible pour estimer la masse grasse et musculaire. ↩︎
- DEXA (Dual-Energy X-ray Absorptiometry) → Appareil médical qui mesure précisément la composition du corps : graisse, muscles, os. Très fiable mais coûteux. ↩︎
- AUC (aire sous la courbe)
→ Mesure la performance d’un test. Plus l’AUC est proche de 1, plus le test est efficace. ↩︎ - CRP us (C‑Reactive Protein ultra‑sensible) → Analyse de sang qui détecte une inflammation dans le corps. Peut signaler un risque accru de maladies cardiovasculaires. ↩︎
- OMS = Organisation Mondiale de la Santé/FAO = Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ↩︎
- GBD (Global Burden of Disease)
→ Projet international qui mesure l’impact global des maladies dans le monde. ↩︎ - Risque de traiter à tort quelqu’un comme malade (faux positif), ou de ne pas aider une personne qui en a besoin (faux négatif). ↩︎